Mon expérience
En fait il faut remonter quelques années en arrière, alors que je rentrais seul, d'une séance avec des amis dans un complexe sportif spécial roller de Vitry-sur-Seine. Plutôt que de longer la seine jusqu'à Paris, j'aperçois un grand pont (Pont du Port-à -l'Anglais), je change mon itinéraire, mon intuition me disant que dans cette direction nord-est, je devrais arriver à rejoindre la ligne de métro n°8 histoire de raccourcir mon parcours.
Imagine, un dimanche après-midi ensoleillé et chaud en banlieue parisienne, pas grand monde dans les rues, pour comprendre il faut écouter la chanson de Diane Dufresne : "Week-end sur la lune" (
texte) qui rend très bien cette atmosphère et ce que je ressentais à ce moment là .
Donc je roule tranquille et j'arrive à Maisons-Alfort N19 avenue du Général Leclerc, 4 voies avec terre-plein central, bordée principalement de maisons à 1 étage, sous laquelle passe la ligne de métro Balard-Créteil. Je cherche la prochaine station sur mon chemin.
Tout à coup sur le trottoir désert, en chaussettes, une petite fille qui pleure, marchant au radar aveuglée par ses larmes, et qui dans sa profonde détresse appelle sa maman vers un lointain, imaginaire et inaccessible.
Une épée plongée dans mon coeur !
Je m'arrête, lui demande ou elle habite, à 2 ans elle n'avait encore qu'un langage rudimentaire :
« Là » me répondit-elle, avalant ses larmes et se retournant pour me montrer un porche qui passe sous les maisons. Je déchausse mes rollers et la suis, nous arrivons dans une arrière cours avec 2 maisons collées côte à côte, la sienne est à gauche, une première porte, un semblant de bout de jardin avec un chien qui hurle derrière un grillage et une odeur de merde de poules infecte. Sur le pas de la porte ouverte, personne, à gauche un escalier qui monte au premier étage, la porte des toilettes en face, à droite le salon dans l'obscurité avec plein d'objets accrochés aux mûrs, une encyclopédie du kitch, du ringard et du mauvais goût, une maison de vieux, j'aurais pu voler tout ce que je voulais.
Je lui demande s'il y a quelqu'un, toujours dans son langage de petite fille de 2 ans elle me fait comprendre que sa grand-mère est en haut, je lui dit de l'appeler :
« Non ! elle fait dodo. » avec l'expression qu'il ne faut pas la déranger.
Je reste avec Angélique dans cette atmosphère intemporelle, pour lui tenir compagnie, le temps passe, rien ne bouge dans cette maison, personne ne descend, elle veut appeler au téléphone sa maman qui travaille à l'hôpital, elle l'attend. le téléphone est là dans l'entrée, elle enfonce quelques touches au hasard, à son âge elle ne sait certainement pas lire et non plus composer un numéro sur un téléphone, elle fait : « allô ! » dans le combiné muet, terrible scène de détresse.
Je lui dit que je dois partir : « Non reste ! » me dit-elle avec angoisse ; l'épée s'enfonce encore un peu plus profond.
Alors, désemparé, ne voulant pas l'abandonner seule dans ce lieu sordide, je décide d'aller voir avec elle si les voisins sont là ; je sonne, une dame sort avec deux enfants en âge de raison, je lui explique tout depuis le début en lui disant qu'Angélique est une enfant abandonnée, j'ai dit ça dans le sens psychologique, car j'ai compris à cet instant que les enfants qui pleurent sont toujours des enfants psychologiquement abandonnés. La dame me répond que non, ses parents s'occupent bien d'elle, alors je lui répète : « Oui mais c'est une enfant abandonnée. » pour qu'elle sente bien dans quel sens je l'ai dit.
Il faut comprendre que parfois, les grands-parents sont trop vieux pour s'occuper des enfants, ils n'ont plus la patience, ils se lassent vite, ils ont besoin de faire la sieste. Angélique était seule dans cette maison vide, et sa profonde détresse l'a poussé à sortir seule chercher sa mère à l'hôpital, en larme et en chaussettes au bord d'une nationale de banlieue, un dimanche après-midi
seule dans la ville immobile, est-ce une situation normale pour une enfant de 2 ans ?
Pourquoi ai-je été autant touché par cette scène ? parce qu'elle ressemble à ce que j'ai vécu moi-même enfant, ce sentiment d'abandon psychologique par des adultes qui ont bien autre chose à faire de plus important que de s'occuper d'un enfant.
Je suis parti prendre le métro, profondément bouleversé, au bord des larmes pendant tout mon trajet, et sentant germer en moi une résolution à étudier ça de plus près.
Plus tard, et par l'intermédiaire d'une amie animatrice, j'ai posé candidature à la direction des affaires scolaires de la ville de Paris pour un poste de surveillant d'interclasse, j'ai écrit comme motivations dans le dossier que j'ai présenté à mon entretien : « Apporter aux enfants le contact avec un adulte en bonne santé psychologique nécessaire à leur épanouissement naturel. » J'ai obtenu un poste dans une école élémentaire du 3
e Arr. rue Vaucanson, j'ai commencé mi-octobre 2000.
Et là tout m'est arrivé en pleine figure, jour après jour j'ai commencé à voir et comprendre d'où viennent les maladies de la société.
Mon cheminement personnel ne m'a pas poussé vers une vie de famille, je n'ai pas d'enfant, mais j'ai eu la chance de faire un
parcours spirituel riche qui m'a permis de faire un travail psychologique profond, et d'étudier ce qu'a vécu l'enfant que j'ai été ; il me reste de tout ça une grande patience, une grande sensibilité à comprendre et interpréter ce que ressent un enfant à travers ce qu'il exprime, une attention bienveillante ni juge ni critique, que les enfants ont tout de suite perçue.
Mes premières constatations à l'école, dans la cours les enfants s'insultent, se battent, ils sont très turbulents, en descendant déjeuner au sous-sol, on s'arrête dans l'escalier avant la porte de la cantine pour que les enfants ne se ruent pas sur le libre service, le niveau sonore de leurs exclamations devient vite insoutenable avec la résonance du béton, il faut hurler sur eux pour qu'ils se calment, et ça ne dure qu'une minute.
Je leur ai demandé un jour pourquoi je devais crier sur eux en les traitant comme un troupeau d'animaux pour qu'ils se calment, ajoutant que je préférais plutôt leur parler calmement comme à des être humains individuels ; regards gênés interrogatifs sans réponses, re-tumulte.
Pendant le repas, idem, le niveau sonore monte vite, une institutrice qui fait aussi surveillante d'interclasse doit soit hurler, soit taper fort sur la table, les enfants effrayés se calment mais doucement le niveau remonte.
J'ai vu souvent la directrice, une petite maigrelette chignonée au visage froid et sévère, utiliser un sifflet qui clouait net le tumulte des enfants puis leur hurlait dessus une morale inquisitrice.
Je me demandais tout à coup dans quel monde et à quelle époque j'étais pour voir encore de telles pratiques qui ne correspondaient pas du tout à mes aspirations profondes, pourquoi les adultes n'avaient toujours pas trouvé d'autres moyens de communiquer avec les enfants que l'autorité brutale.
La directrice ne manquant pas de me faire de loin le signe d'une main qui serre une vis pour me dire que je devait être plus dur avec les enfants, mais ça n'était pas mon intention, j'essayais plutôt d'avoir un mode de communication plus tendre et calme avec eux, qui n'a pas fonctionné tout de suite bien sûr.
Les enfants expriment un malaise, il faudrait commencer à les écouter et interpréter ce qu'ils veulent dire.
Puis peu à peu, les enfants ont senti que je n'avais pas les mêmes intentions que les autres adultes et commençaient à se prendre d'affection pour moi.
Un jour que j'arrivais un peu avant onze heure trente, j'attendais à l'accueil, la sonnerie, la première classe descendant des salles, les enfants me voyant du préau à travers la porte vitrée se mirent tous à hurler mon prénom en choeur avec de grandes manifestations gestuelles de joie, exclamations vite stoppées par un coup de sifflet de la directrice.
Dans le film italien
"Miracle à Milan" une vieille dame, Lolotta, trouve en enfant, Toto, abandonné dans son jardin entre les choux, elle le recueille et l'élève comme sont fils.
Un jour que Lolotta est partie faire des courses, Toto resté seul à la maison , le lait oublié sur la gazinière déborde, quand Lolotta rentre, un ruisseau de lait traverse la cuisine ; scène sans paroles, l'enfant se questionne sur la réaction de sa mère.
Plutôt que d'adopter une attitude d'agacement d'adulte exaspéré, Lolotta va chercher une vieille boite en carton, en sort des miniatures d'arbre et maison et les pose de chaque côté du ruisseau, puis enjambant plusieurs fois ce petit paysage, s'écrie:
« Come è grande la terra » (La terre est grande.)
Toto reste émerveillé. (
Début du film avec la scène)
Cette scène m'a illuminé, j'ai compris qu'
il ne faut pas casser l'imaginaire des enfants, mais l'enrichir.
C'est la clef qui explique pourquoi après dans la
suite de l'histoire, Toto fait des miracles.
J'ai appliqué ça plusieurs fois à l'école avec les enfants.
Laurène, huit ans, une petite fille de souche africaine, ramasse une plume de pigeon dans la cour et me l'apporte pour me la montrer ; aussitôt une autre petite fille lui arrache des mains sauvagement et se sauve rapidement avec son butin. Laurène, très sensible qui pleurniche déjà d'habitude dès qu'on la bouscule un peu, se sentant tout de suite persécutée, se met à pleurer avec colère :
« C'est ma plume ! »
J'attends qu'elle se calme, cherchant quoi lui dire, et voilà que cette idée d'enrichir son imaginaire m'apparaît ;
Je lui dit calmement :
« D'abord, c'est pas ta plume, c'est la plume du pigeon ; s'il l'a perdu, c'est peut-être pour te faire un cadeau (un cadeau du ciel) pourquoi à ton tour tu ne ferais pas cadeau de cette plume à une camarade, même si elle te l'a arraché brutalement des mains ; les seules plumes qui sont vraiment à toi, ce sont celles de ton oiseau imaginaire. »
Je suis sûr qu'a ce moment là , l'imaginaire de Laurène s'est enrichi.
Beaucoup d'enfants pour me dire bonjour se blottissaient contre moi en m'appelant : « Mon papa ».
Un jour que Laurène m'a dit ça, là encore j'ai choisi de lui enrichir son imaginaire et lui ai répondu simplement : « C'est possible d'avoir plusieurs papas ».
Je savais que les parents de Laurène étaient séparés et que ça mère vivait avec un nouvel homme.
Laurène après un court moment de réflexion bouche bée me répondit du tac au tac :
« Alors j'ai quatre papas, mon vrai papa, le nouveau mari de ma maman, un autre animateur de l'école, et toi ! »
Je pense qu'il était bien clair dans l'esprit de Laurène que mon intention n'était pas de prendre la place de son papa.
Arrive l'avent de Noël, une petite fille maghrébine (l'école avait une classe d'enfants non francophones) entendant les conversations de ses camarades me demande :
« C'est quoi le père noël, chez nous ça n'existe pas ? »
Alors là , moi qui suis si détaché de toutes ces fêtes galvaudées par le mercantilisme et dont on ne connaît même plus les origines mystiques symboliques, je ne pouvais pas lui pourrir son imaginaire avec cette image de chiotte, je lui ai dit :
« Tous les pères noëls que tu verras dans la rue sont tous des faux ; le seul vrai père noël, c'est celui qui habite dans ton imaginaire »
Et j'aurais pu ajouter que c'est un personnage qui apporte des cadeaux du ciel.
Dans la cour, une fille (huit ans), avec un air de provocation me donne un grand coup de pied dans le tibia ; la regardant bien dans les yeux, sans jugement ni critique, je reste muet et impassible ; elle s'éloigne.
Là encore il n'est pas possible que je lui pourrisse son psychisme avec une colère d'adulte intouchable et condescendant.
Quelques minutes plus tard, je m'approche d'elle et lui dit calmement :
« Sais-tu pourquoi tout à l'heure je t'ai laissé me donner un coup de pied sans te gronder ? »
... Un silence un peu intrigué et interrogateur de la petite fille ...
« Pour que ça t'arrive au moins une fois dans ta vie, que tu donnes un coup de pied à un adulte sans qu'il te gronde après. »
D'autres événements.
Un jour je vois une institutrice hurler sur une enfant (maghrébine) parce qu'elle pleure, c'est vraiment la non communication parfaite, un enfant pleure et au lieu de chercher à comprendre pourquoi, on le réprimande.
Une fois l'institutrice partie, je questionne la fillette et voilà le résumé de tout ce qu'elle m'a raconté.
Sa grande soeur est au collège qui est juste à côté de l'école élémentaire, seulement séparé par une palissage de tige carrées verticales. Des enfants de la petite école on vu de loin sa grande soeur (adolescente) parler avec un garçon dans la cour du collège et se sont joué de cette scène avec des allusions érotiques. La petite soeur était terrorisée parce qu'il ne fallait surtout pas que leur père le sache car il va se fâcher, et d'ailleurs à la maison il les frappe avec une ceinture.
Un vrai drame socioculturel, culture de domination masculine sur la femme, père tortionnaire, enfants traumatisés, et cette institutrice idiote qui n'a même pas essayé de comprendre le sens profond des pleurs de l'enfant.
Là , je commençais à sentir l'immense malaise de cette institution scolaire, la détresse des ces enfants face à ces adultes aussi malades à la maison qu'à l'école.
Il y avait aussi deux enfants complètement perturbés (souche ethnique africaine), le grand, huit ans, qui dès le premier jour m'a déjà attrapé au col avec ces deux mains en me menaçant, futur terroriste en puissance ; le petit, cinq ans, traînait toute la journée dans l'école, autiste, sans jamais aller en classe, tous les adultes de l'école apparemment impuissants face à ce cas.
J'ai vu la mère à l'accueil parler avec la gardienne, physionomie et comportement de droguée. Père absent.
Encore des signes d'affection qui en disent long.
À la fin de ces deux heures d'interclasse (une de récréation et une de cantine), sonnette, les enfants se rangeaient dans la cour par classe et les institutrices reprenaient le contrôle, les surveillants pouvant quitter leur poste et rentrer chez eux.
Il m'est arrivé d'accompagner les enfants jusqu'au moment ou il montaient en salle de classe, et là c'était un déchirement, ils se collaient à moi, me demandaient des bisous ou me tiraient par le bras pour que je monte en classe avec eux.
Laurène est une des enfant qui se collait le plus à moi, dans la cour on s'asseyait sur le mur bas qui servait de fondations à la palissade du collège, Laurène se blottissait sur mes genoux, se balançait et me racontait plein d'histoires, on passait de long moments comme ça.
Fin juin, veille des vacances, la directrice me convoque pour me remettre son rapport de fin d'année sur mes compétences de surveillant (elle fumait dans son bureau), elle m'a encouragé, me disant que j'arrivais mieux à tenir les enfants, mais elle avait ajouté sur le papier :
« Ne pas être trop familier avec les enfants ».
Là j'ai compris que quelque chose de mon comportement avec les enfants avait dérangé.
Je ne pouvais pas continuer cette activité sans un éclaircissement de ce qu'est le rôle d'un surveillant d'interclasse dans ce système malade. J'ai écrit cette lettre à la direction des affaires scolaires :
« Madame.
Votre décision d'affectation à l'école élémentaire Vaucanson ayant expiré le 29 juin 2001, vous avez dû recevoir les appréciations de Madame la directrice sur mes compétences de surveillant d'interclasse, et c'est à propos de son commentaire "ne pas être trop familier avec les enfants" que je voudrais vous exprimer mon sentiment.
Sous la rubrique « motivations » de mon dossier de candidature, j'ai écrit
"Apporter aux enfants la communication avec les adultes (en bonne santé psychologique) nécessaire à leur développement naturel."
Selon mes expériences et mon travail psychologique personnel, je constate que les enfants sont très perturbés et déséquilibrés, qu'ils ont un comportement turbulent, agressif physique et verbal démesuré, qui est le reflet de leurs peurs, leurs angoisses et qui exprime clairement le manque de communication avec les adultes dont ils souffrent.
Pour exercer mon autorité, plutôt que de traiter les enfants comme un troupeau, en criant sur eux d'une façon terrorisante et inquisitrice (usage du sifflet utilisé d'ailleurs par d'autres personnes) qui ajouterait un peu plus à leurs traumatismes, j'essaie d'instaurer un climat de confiance, de favoriser un dialogue plus individuel, de montrer aux enfants que dans la mesure du possible, je peux répondre à leurs demandes et à leurs questions, que je suis disponible à leur égard et à l'écoute de tous les sentiments qu'ils expriment avec l'intention bienveillante de reconnaître leurs valeurs humaines et leur créativité sans les juger ni les critiquer.
Les enfants répondent naturellement par un comportement familier plein de tendresse (auquel je mets tout de même des limites), sautent de joie quand ils me voient, me demandent des bisous, me prennent par la main en marchant, se blottissent contre moi, s'assoient sur mes genoux et m'appellent "Mon papa".
J'entends donc le mot "familier" qu'utilise Mme la directrice, non pas dans le sens de "Familiarité, vulgarité" mais de "faire partie de la même famille".
Je suis très conscient et ne me suis jamais caché des libertés que je laisse aux enfants, qui font partie de mon plan didactique et qui pourraient être mal interprétées. Si les surveillants ne sont pas des psychologues, peuvent-ils être des pédagogues ? Mon comportement va-t-il seulement contre la politique de Mme la directrice ou bien aussi contre celle de la Direction des Affaires Scolaires ?
Vous remerciant, Madame, de l'attention que vous porterez à mon témoignage... etc. »
La réponse fut :
« J'ai bien reçu votre lettre dans laquelle vous avez souhaité apporter une explication aux appréciations de madame la directrice de l'école.
J'apprécie votre analyse des besoins des enfants en matière d'écoute et de dialogue, toutefois, le rôle du surveillant d'interclasse n'est pas de remplacer les membres de la famille des enfants. Le comportement des enfants à votre égard me semble en effet déplacé dans le cadre de vos fonctions. Il convient au contraire d'adopter une certaine réserve pour assurer le rôle éducatif dévolu au surveillant d'interclasse. Cette réserve ne doit pas nuire à la qualité de l'écoute et du dialogue que vous préconisez.
Par ailleurs, dans le contexte des affaires de moeurs actuel, il ne me semble pas du tout opportun d'entretenir une telle relation de proximité avec les enfants. En effet, une interprétation erronée de votre attitude pourrait vous porter préjudice.
Je suis prête à vous recevoir avec mon adjoint chargée de l'action éducative si vous souhaitez que nous discutions de façon plus approfondie sur le rôle du surveillant pendant l'interclasse... etc. »
Invitation à laquelle j'ai répondu positivement.
Entretien avec deux dames dans le bureau la direction des affaires scolaires, deux magnifiques stéréotypes BCBG chics et guindés de la société de surconsommation. En voici l'essentiel :
« Vous exagérez quand vous dîtes que les enfants sont "très perturbés et déséquilibrés", les nôtres vont très bien.
- c'est pourtant ce que j'ai constaté dans cette école. »
J'aurais pu ajouter :
« Les fous ne sont pas fous dans le royaume des fous ».
« Vous ne pouvez pas prendre la place d'un parent.
- Ça n'est pas mon intention, que voulez-vous que je dise à un enfant quand il m'appelle "Mon papa".
- Vous devez lui dire que NON, vous n'êtes pas son papa et ne pas le laisser dans cette confusion.
- Désolé, je ne peux pas faire une chose pareil, j'ai répondu à l'enfant "C'est possible d'avoir plusieurs papa" ».
Là c'était fini pour moi je venais de faire un sacrilège, j'avais ébranlé la toute puissance monolithique de la place unique éternelle et irremplaçable des parents. Et j'ajoutais :
« Alors vous ne devriez pas utiliser dans les rôles du surveillant le terme de "soutient affectif" ».
À la réaction offusquée des dames, j'ai conclu que, honnêtement je ne pouvais pas continuer ce travail dans ces conditions et que je donnerai ma démission.
Ce que j'ai compris, c'est que j'avais mis à jour un tabou, une famille de parents névrosés est défaillante et n'apporte pas à l'enfant le soutien affectif dont il a un besoin vital, d'autant plus si l'un des parents manque.
Alors si par exemple un enfant n'a pas de papa, ce qui est chose courante, et s'il trouve dans un adulte bienveillant l'archétype paternel qui peut lui combler sont manque affectif, faut-il lui refuser sous prétexte qu'on est pas son papa ?
S'il a un manque affectif, il se tournera par détresse vers tous les archétypes qui peuvent combler son vide, qu'il imaginera comme un papa de remplacement, innocemment (au risque d'être abusé bien sûr).
Répondre à un enfant "Je ne suis pas ton papa" c'est lui casser son imaginaire, c'est criminel.
Il y a une scène qui montre bien ça dans le film
The Wall d'Alan Parker.
Pourquoi un enfant ne pourrait-il pas avoir plusieurs papas et plusieurs mamans.
En Afrique dans certaines ethnies, tout le monde s'occupe de tout le monde, un enfant n'est jamais abandonné, il a toujours un adulte qui peut s'occuper de lui (c'est d'ailleurs une femme de ménage africaine de l'école qui m'a révélé ça) je trouve ça plus équilibré que ce statut inviolable de parents sur un piédestal que les enfants doivent adorer quasi religieusement même s'ils sont des bourreaux tortionnaires.
Prétendre pouvoir obtenir une qualité d'écoute et de dialogue sans un minimum de contact corporel me semble relever du mensonge, le minimum que je me devais de faire était de me mettre à la hauteur de l'enfant pour communiquer avec lui, et de lui poser la main sur l'épaule, contact essentiel à toute communication humaine.
Et voilà que je passe pour un pédophile.
Actuellement, l'école est incapable de prendre en charge le complément d'éducation personnelle de l'enfant qui lui manque à la maison, les professeurs sont névrotiques, les directrices tabagiques.
On demande à l'éducateur une qualité de l'écoute et du dialogue envers l'enfant mais avec une certaine réserve ; ça me semble incompatible, c'est une escroquerie :
Tu as faim, je te tends à manger, et au moment ou tu veux le prendre je le retire, c'est pervers.
L'école est un mensonge, une prise de pouvoir sur les enfants, une institution malade basée sur les conceptions de bien et de mal qui ravage la planète. Les enseignants pour contrebalancer leurs inaptitudes et leurs incompétences devant des enfants fragilisés, se positionnent en redresseurs de torts et en inquisiteurs.
On est dans la pure folie psychiatrique.
Les institutions sont complices avec tout ça, moi je ne peux pas.
En attendant de pouvoir utiliser mes facilités de communication avec les enfants, j'étudie tous les comportements toxiques des adultes, pour les
dénoncer.